Le blog de lina
« C'est la merde » était la seule pensée qui venait à l'esprit de Thierry. Il avait reprit sa démarche habituelle dès
qu'il avait tourné au coin de la rue du foyer mais les vêtements dégueulasses qu'il portait le gênait énormément. La visite au foyer, la dernière adresse connue d'Opale, n'avait pas été une
réussite. D'abord cette Christine Veron lui avait laissé une horrible impression de déjà - vu vieille de dix ans et il avait la certitude que s'il avait soulevé sa robe, il aurait trouvé une
marque gravée sur sa fesse droite. Cela pouvait paraître absurde, ce n'était pas une pratique du cercle intérieur ni de Paul, son inspirateur mais pourtant Opale portait la marque du loup et
comme l'aurait dit Corentin, il n'y avait jamais de hasard. Il se rassura en se disant qu'il avait obtenu une petite information : Opale avait travaillé pour Théodora Lupa. Ce n'était pas
n'importe qui puisqu'elle était en train de devenir l'une des femmes les plus en vue de Lilleland depuis qu'elle avait évincé son ancien mari Lionel Durant de ses affaires. Cela ne faisait pas
d'elle une femme fabuleusement puissante mais tout de même. Décidément, Opale se retrouvait mêlée à des personnes riches et influentes.
Le problème était qu'il était persuadé qu'en dépit de son regard sans vie et son air pâle, Christine Veron avait
conservé une grande intelligence qui faisait qu'elle avait percé son jeu. Il risquait désormais d'être attendu. Jennifer se dépêchait pour se rendre à son rendez -- vous. Elle venait de recevoir un coup de téléphone de madame Veron qui lui
expliquait que son entretien avec le juge avait été avancé de deux jours et déplacé dans un autre quartier. Elle n'avait que très peu de temps pour arriver à l'heure dans un lieu qu'elle ne
connaissait pas du tout. Elle avait dû prendre un bus d'un autre âge qui la conduisit dans les quartiers périphériques. Revenir dans cette zone de la ville la ramena un an auparavant quand elle
était en errance et ne cessait de se battre. Elle lutta contre l'envie de fuir pour se rendre à l'adresse indiquée par madame Veron et connut une véritable douche froide.
Il s'agissait d'un terrain vague et il était évident que personne ne l'attendait en ce lieu. Affolée et un peu
énervée, elle appela immédiatement Anne -- Marie mais son téléphone sonna occupé. Elle lui laissa un message puis décida d'appeler madame Veron qui elle répondit.
- Jennifer? fit -- elle. Où es -- tu?
- Je suis à l'adresse que vous m'avez indiqué, répondit -- elle de plus en plus énervée.
- Certainement pas, nous y sommes et visiblement pas toi. Tu es bien au 35 California boulevard?
- Non, fit -- elle en proie à la panique. Je suis au 35 California street.
- Bon sang mais c'est en plein cœur des quartiers périphériques et en plus un des pires quartiers à tapin qui soit.
Rentre tout de suite au foyer, je vais essayer d'expliquer ça au juge tout comme le fait qu'Anne -- Marie ne s'est pas présentée non plus.
Jennifer raccrocha sous le choc. Elle se dirigea vers l'arrêt de bus le plus proche en pensant à toutes les
informations qu'elle venait de recevoir : elle avait peut -- être de compromis tous ses espoirs d'échapper à la prison et surtout Anne -- Marie l'avait abandonnée. Elle ressassait ces pensées
quand une voiture ralentit à son niveau. Le conducteur baissa sa vitre et l'interpella. Surprise, elle s'approcha de lui.
- C'est combien? lui demanda -- t -- il.
- Pardon? répondit -- elle.
- C'est combien pour baiser? insista -- t -- il.
C'était un quartier de tapin, se rappela -- t -- elle et elle comprit que ce type l'avait prise pour une pute. Elle
voulut lui répondre d'aller se faire foutre quand une sirène retentit et qu'une voiture de police s'arrêta sur le trottoir. Deux flics en uniformes en descendirent en hurlant.
- Police! Vous êtes en état d'arrestation!
Avant qu'elle n'ait eu le temps de réagir, elle se retrouvait menottée sur le siège arrière de la voiture de police
pendant que les deux flics verbalisaient le type qui l'avait interpelée. Le cauchemar continuait.
Elle se retrouva au poste de police avec une bonne douzaine d'autres filles, toutes habillées plus vulgairement les
unes que les autres et elle dut patienter dans une cellule pendant prés de deux heures avant qu'on ne veuille bien l'écouter. Durant tout ce temps, elle ne cessait de se prendre la
tête.
Le flic qui l'auditionna était un type bedonnant au crâne dégarni.
- Assieds -- toi, lui dit -- il sans même lever les yeux de son écran d'ordinateur.
Elle dut faire un effort sur elle -- même pour ne pas s'énerver et s'assit. Il prit son dossier.
- Racolage sur la voie publique, dit -- il. Infraction mineure. Signe -- là.
- Je ne signerais nulle part, refusa -- t -- elle. Je n'ai rien fait.
- Ben voyons, les gars t'ont chopée la main dans le sac alors que tu négociais avec ton client. Le gars a déjà reconnu
les faits pour qu'on n'en parle pas à sa femme. Tu n'as aucune chance.
- Mais...
- Ecoute, j'ai quinze autres dossiers à traiter alors m'énerve pas. Signe et casse -- toi.
- Je n'ai rien fait.
- Si tu veux la jouer comme ça.
Il se tourna vers son ordinateur et tapota rapidement son nom.
- Mais dis -- moi, tu n'es pas une inconnue pour nous. Trois condamnations pour voie de fait, une pour possession de
stupéfiants. Tu es en période probatoire, autant dire qu'avec cette affaire c'est la fin pour toi. C'est pas trop tôt, la place de la mauvaise graine est au fond d'un
cachot.
- Mais puisque je vous dis...
- Rien à faire, dossier classé. C'est l'affaire du juge maintenant.
A ce moment, le sang monta à la tête de Jennifer qui s'emporta. Elle bondit par-dessus le bureau et agrippa le visage
du flic qu'elle cogna violement contre son bureau. Le nez du type se brisa dans clac bruyant qui attira l'attention de toutes les personnes présentes dans le bureau. Plusieurs autres policiers
bondirent sur elle alors qu'elle s'acharnait à taper le visage du gars sur le bois. Il fallut trois hommes dans la force de l'âge pour la maîtriser et la conduire dans une cellule
d'isolement.